La réussite économique, sociale et financière des organisaons et des entreprises est de plus en plus chaotique, « virtuelle » ou « en trompe‐ l’œil » (« la crise est terminée, n’est‐ce pas ??! »). On constate par exemple que de nombreux emplois sont supprimés dans les secteurs industriels, que le démantèlement s’accentue dans de nombreuses branches et que les jeux malsains des délocalisations/relocalisations (!) plus ou moins cyniques ahurissent le peuple de nombre d’entreprises : il ne faut pas se faire d’illusions, cette évolution perdurera ; et les ressources humaines relèveront, dans le néo‐libéralisme, de plus en plus à base de composé pervers d’humanisme stressé et de barbarie sophistiquée, des « systèmes » opérationnels et décisionnels.

Dans ces conditions, le management des hommes devient plus incohérent et de moins en moins « lisible » : ainsi, on voudrait que le personnel soit plus impliqué et correctement motivé (notamment par des modalités et des niveaux de rémunéraon adéquats…); en même temps, l’on décrète que chaque salarié soit hyper‐mobile, s’auto‐responsabilise et « gère son moi »; qu’il ne s’attache pas de trop à l’entreprise et ne soit pas excessivement imprégné de la « culture » actuelle pour accepter d’en changer comme de « gouvernance propriétaire », car les exigences de la finance font loi…

Aux plans des fondements, des méthodes et des outils du management moderne (ou « post‐moderne » ou « hyper‐moderne », on ne sait plus guère…), qui dominent aujourd’hui en Occident, il y a de plus en plus remise en cause implicite et explicite : les présupposés libéral, égalitaire, utilitaire, et analytique, la prétention universaliste et mondialiste, s’effondrent en effet progressivement, bien que la « façade » managériale fasse encore « bonne figure ».

En même temps, l’observateur lucide et non « aux ordres » pressent une « distanciation » et un désengagement croissants du monde des dirigés et des opérationnels de classe moyenne vis‐à‐vis des cercles dirigeants et des « spectacles de gouvernance », accompagnés d’une duplicité ou d’un écoeurement las des premiers à l’encontre des seconds (ou vice‐versa, même).

Les méthodes de management laissent apparaître actuellement un « vide de références » ET une régression sans précédent à de la pure et dure « instrumentation de gestion sous contrainte et sous normalisation hystérique de « process » ET de comportement » ; elles traduisent un effort quasi‐désespéré de préserver le « système » à court terme, sa profitabilité « vaille que vaille » et pour maintenir un « optimum » d’arrangement de paix parmi les forces sociales, dans un contexte socio‐économique menacé, en repli et complètement incertain.

Il convient par conséquent de remettre en cause sans complaisance les « jeux » et « modes » (dans les deux sens des termes) du management « global », et d’identifier des directions différentes et « radicales » (c’est‐à‐dire retournant aux racines et au sens « principiel » de la fonction d’Autorité et de Décision). A cet égard, une évaluation globale des modèles actuels de la pratique managériale dominante aboutit à divers constats, résumés dans le tableau suivant.

EVALUATION DES DEMARCHES ACTUELLES DE MANAGEMENT DES HOMMES DANS LES ORGANISATIONS

Ces démarches, aux lacunes sans cesse plus grandes, prisonnières des contraintes de la logique classique (rationalisation, logique du tiers exclu, approche « systémique behavioriste » à l’égard du facteur humain, « utilitarisme » réducteur et sans nuance), requièrent de nouvelles orientations propres à articuler le croisement « contradictoriel » du management de la mobilisation et de la mobilisation du Management.

DEMARCHES POINTS‐CLES DE FAIBLESSE RE‐ORIENTATION INDISPENSABLES
METHODOLOGIE DU « MANAGEMENT STRATEGIQUE » (MS) Omniprésence et banalisation du raisonnement dit stratégique, s’inscrivant dans un contexte de triple déficit de l’Entreprise : déficit d’organisation (on croit diriger en rationalisant les structures en faisant de la "politique"), déficit d’unité (on considère l’Organisation comme un « tout » homogène, et par conséquent on la dirige en renforçant son homogénéité), déficit enfin de « légitimité » des hommes de Direction (cette légitimité qui fuit sans cesse davantage fait l’objet – en contrepoint – de plus en plus de « discours », de simulacres où le « spectacle » se substitue au « sens profond et vécu » ; de plus, elle est principalement « décrétée » dans la perspective d’un « Projet‐contrat » à portée purement utilitaire à court terme). La banalisation du Management Stratégique (MS), par ailleurs, lui confère une portée neutralisante et sa communication se réduit à l’euphémisme et au « lieu commun » mis en « spectacles ». Réinsérer la méthode stratégique dans l’« art de gouverner », par accès très sélectif à celle‐ci. Activer un « croisement contradictoire » et dynamique de « la vision du management » et du « management de la Vision » intégrant les dimensions rationnelle, affective, esthétique, mythique, de « telos », anthropologique, sociologique, historique, systémique et géopolitique de l’administration des choses et du gouvernement des hommes.
« PROJET » D’ENTREPRISE OU D’INSTITUTION Démarche d’inversion désoccultante masquant le « non‐dit » derrière une plateforme, un « contrat » omniprésent et le recours dévoyé, mais spectaculaire, aux « valeurs » et à la morale (mode du "storytelling") Mise en place d’un « Pacte Organique », à caractère « holiste » (le « tout »), et dans une perspective « aristocratico‐démocratique », implicant symboliquement Direction, managers et "corps social dirigé".
« DIRECTION « PAR LES CONTACTS », DEVELOPPEMENT « RETICULAIRE » ET MANAGEMENT DE (PAR) RESEAU(X) Inversion du sens des relations de travail dans l’excès du marchandage individualisé généralisé (« bargaining ») et dans l’artificiel de la communication dite « interactive » (régulation de pur court terme) et « euphémiste » recherche de modéraon optimiste sur fond de compromis(sion) systématique). « Fonctionnalisme homogénéisant » des relations de travail en raison de l’excès d’interdépendance (tout‐réseau) et d’ajustement mutuel (communication neutralisante) Instauration d’un véritable « Gouvernement » de l’entreprise (de l’Institution). « Incarnation » réelle par les dirigeants d’une « stature entrepreneuriale » en une authentique « Commanderie » de responsables à "aura". Formation par l’«initiation » (au sens étymologique du terme). Mise en adéquation de la personnalité et de la communauté, par « l’esprit d’entreprise » et le respect « du Polique » comme instance dynamique de référence pour l’action.
APPROCHES « QUALITE TOTALE » Inversion des cercles/structures de Qualité en « cercles de quantité » (ou cercles productivistes simples) : ce n'est qu'une modernisation de l’approche productiviste et mécaniste classique en logique étroite de "gestion normalisée sous contrainte". « Qualifier » la quantité par la qualité du cercle, en provoquant l’apprentissage individuel et collectif à un management « de qualité »
TOUS LES PROCESSUS DE STIMULATION ET DE « RECOMPENSE » DE L'EFFICACITE HUMAINE Relèvent d’un « réductionnisme » de types « consumériste » (physique, biologique, et utilitaire) et socio‐matérialiste (recherche de « position » sociale et satisfaction d’intérêts principalement individualistes) Promotion de la « personne », de ses talents et potentiels, mais non normalisés; rejet de l'égalitarisme décrété et abstrait appliqué à l’individu comme au groupe (esprit de communauté "organique"). Education à la quête du "sens" et à la pratique du « Don »
TOUS LES PROCESSUS DE COMMUNICATION INTERNE – EXTERNE EN GENERAL, POUR L'ENTREPRISE Domination d’une « iconolâtrie » (obsession de l’image, de la Comm') infracommunicatrice par son « ob‐scénité » ("show" d'images aplatissant le sens) Déviations et appauvrissement du symbole, réduit au pseudo‐charisme du management‐spectacle « insignifiant » (excès de « Pub‐management » et avènement de la « médialogie ») Renversement de l’image désincarnée en « signe » incarné. Expression d’un symbolisme authentique, d’un vrai charisme des Décideurs et d’une « signature » globale et signifiante de l’Organisation concernée. Communication fortement « retenue » et « sélective ». Processus "bottom‐up" sincèrement assumés par les "CEO's"